Le professeur masqué

N’ayant pu devenir assistante sociale, suite à un accident qui l’avait amenée à l’hôpital, quinze jours plus tôt, elle s’était tournée vers l’Université, l’étude des langues, des civilisations, déjà passionnée par la connaissance de l’autre, des cultures différentes, des langues qui lui permettront de communiquer. Elle n’avait pas vu venir l’accident, une chute de sa hauteur, incompréhensible pour elle et pour ceux qui l’entouraient. Le message, lui, était clair. « Tu ne seras pas assistante sociale ».

Trois fois par semaine, elle passait ses soirées dans un foyer de transit pour personnes migrantes. En tant que volontaire, elle accompagnait les femmes et les enfants dans leur intégration à l’école, à la poste, au marché, au supermarché… Elle était le lien entre leur culture, leur lecture de cette nouvelle société qui leur faisait peur et l’apprentissage des codes, des valeurs, des réalités de cette société d’accueil. Les femmes s’inquiétaient pour leurs enfants, craignaient d’aller dans la rue car leurs maris leur disaient que c’était dangereux pour les garder à la maison, pour être sûrs qu’elles ne découvrent pas la liberté, les rencontres entre femmes, le plaisir d’être dehors, tout simplement.

Une soirée sur trois, c’était alphabétisation. Quel bonheur d’apprendre. Cet apprentissage était réciproque. Chacun et chacune apprenait un peu de l’autre, de son histoire, de sa culture.

Ces activités lui ont donné envie d’apprendre d’autres langues, l’arabe, le hindi, le bengali. Comme elle étudiait l’arabe, elle manquait d’informations et de bibliographie. Un de ces professeurs lui donna rendez-vous une après-midi pour lui prêter un livre.

Quelle surprise lorsqu’elle se rendit chez cet enseignant qui l’accueillit chez lui, nu, une serviette vaguement nouée sur les hanches.

Elle détala sans réfléchir et … sans livre !

Décembre 1999