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A MA FILLE


 

 

Au cours des ans, au cours de la vie, de ma vie qui prenait l’eau, qui coulait, qui tanguait dangereusement, jusqu’à me faire oublier qui j’étais, il y eut toutes ces petites morts, qui se sont succédées et que j’ai acceptées. Je tombais et je me relevais. J’ai toujours eu une grande capacité de résilience. J'ai toujours cru en la vie.

J’ai aimé tous les lieux où j’ai vécu, Paris, Marseille, Recife, Brasilia et même Calcutta a réussi à m’enivrer de ses parfums et de ses mystères. Je n’ai pas trouvé mon lieu de vie ; je sais simplement que la Méditerranée me rend heureuse. L’air que j’y respire me procure un plaisir intense.  

 

Paris ne m’inspire pas, bien que j’y sois née. Le dernier appartement où j’ai vécu était imprégné de négatif, de tensions, de vibrations qui souvent interrompaient mon sommeil. Et puis c’est là que j’ai perdu mon bébé. Il ou elle aurait été deuxième dans ma lignée.

J’étais enceinte de plus de trois mois lorsque je suis allée chez mon frère. J’y ai retrouvé tous mes amis d’enfance, ma famille de cœur. J’étais heureuse. Et puis un 1er novembre, des douleurs m’ont réveillée. Mon ventre me disait le rejet de cet être que je portais. Son cœur avait cessé de battre.

Le mien aussi.

Je suis repartie. Mon garçon toujours avec moi. Lorsque j’ai annoncé à ton père que nous avions perdu notre bébé, il s’est jeté par terre en hurlant mais il n’a pas annulé le diner prévu avec ses grands enfants. Je me suis allongée, alourdie, étourdie, dévorée par la peur et la tristesse. Ton frère collé contre moi pour se rassurer, pour me faire oublier le désespoir, me réchauffant de sa tendresse.

J’ai enduré le bruit, les rires, la télé, la fumée de cigarette.

Dans la nuit, je ne sais pas précisément quand, les douleurs m’ont déchiré le ventre. Cette nuit-là, j’ai perdu mon bébé. Seule, car de fait j’étais seule. Les douleurs étaient atroces, brutales, coupantes, me déchiquetaient les entrailles.

Pendant plusieurs jours, j’ai marché comme une vieille femme, pliée en deux. J’étais grise, lasse, je respirais mal. Le souffle court, marcher était une torture. Surtout, on m’a enlevé tout espoir: il est trop tard, vous n’aurez plus d’enfant, c’était votre dernière chance.

J’ai fait semblant d’y croire. Je savais au fond de moi que tu viendrais, malgré tout. Mon cœur s’était aligné sur la saison, inspiré des couleurs d’automne, gris, brun, pâle.

Mon enthousiasme s’en est allé.

 

Et puis, un jour de décembre, j’ai su que la vie était revenue dans mon ventre. Intuitivement, je savais que je portais un bébé. Contre toute attente, je portais la vie. Ces quelques mois où je t’attendais ont été pur bonheur, gratitude, énergie.

Bébé, tu m’as apporté lumière, joie et bonheur. A peine née, tu as escaladé mon ventre pour téter. Tu m’as éblouie, par ta vitalité, ton désir de vivre, ton énergie,  ton regard de cristal.

Tu as subjugué ton père.

Tu as ensorcelé ton frère qui n’a eu de cesse de te baigner, de te changer, de s’assurer que tu respirais; puis plus tard de te guider vers la vie.

Et vous regarder tous les deux vivre, grandir, rire et apprendre, a toujours été un pur bonheur. Vous faites de l’ombre au soleil. Vous éclaboussez de lumière.

J’ai appris de vous l’élégance, du cœur et du corps. J’ai appris la musique, les sons, les chants, les mots. J’ai appris la confiance et la foi.

La vérité et la droiture. Les odeurs et les senteurs, le soleil qui brûle la peau. La vie.

 

Gratitude

 

 

                                                                       Été 2015







 

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